jeudi 20 décembre 2007

Épître au Père Noël

Grand barbu sournois, fieffé coquin, menteur
Idole des escrocs, grand dieu des arnaqueurs;
Il ne lui suffit pas d’onze mois de vacances
Il faut qu’à l’insolence il rajoute l’offense.
C’est bien lui, je le sais, le pervers gros malin
Car même si, bien hypocritement, il lui vient
D’accuser dans la tourmente un pauvre lutin
Ses maigres excuses ne nous abusent en rien.
C’est pour bientôt, je le sens, l’eût-on jamais cru ?
Qu’il sera candidat pour la chère ADQ !

Baron de Moulintombant

dimanche 16 décembre 2007

Lettre à Monsieur Pierre Foglia sur la valse du discours écologique

Monsieur,

Vous vous amusez dans votre chronique récente « Trois minutes d’écologie » à faire un pied-de-nez aux discours écologiques actuels en affirmant –ô scandale- vous en balancer. Pendant qu’un véritable tintamarre médiatique se produit autour de Bali ces jours-ci, et alors que le Canada est vivement montré du doigt comme l’un des trois ogres de la scène internationale s’opposant à faire référence à des cibles contraignantes pour l’émission de gaz à effet de serre, je me permettrai moi aussi un soupir d’exaspération.

Je vous l’accorde : le discours écologique actuel perd le peu de rigueur qu’il avait à une vitesse folle. Alors que les gouvernements centrent frénétiquement leurs efforts sur la lutte contre les changements climatiques, des dizaines d’autres questions fondamentales restent sous silence, ou sont à peine esquissées au détour d’une ou deux affirmations péremptoires. Pourquoi n’est-on plus préoccupé par l’usage des pesticides en agriculture? Par la saturation des sites d’enfouissements? Je me souviens des pluies acides dont on parlait tant dans les années 1990, et à cause desquelles les enfants de mon âge ont dû renoncer, l’hiver, à lécher les glaçons qui pendaient aux toits des maisons. Les spécialistes s’en inquiètent-ils encore? Le sujet est-il simplement passé de mode?

Bien sûr, la question environnementale est complexe, et ne peut être saisie dans son ensemble dans un seul article de journal, ni dans une seule conférence onusienne. Il faut forcément choisir un angle d’approche, un problème concret qui mobilisera le monde. Ainsi va le bal des médias, où des reporters-danseurs frivoles choisissent souvent pour des raisons obscures la question qui fera tourner toutes les têtes pour un temps. Mais vous vous y connaissez mieux que moi, sans doute.

Par un contrecoup bien fortuit, donc, l’opinion publique se plaît présentement à dénoncer l’inaction dans le dossier des changements climatiques et à démoniser Harper, Fukuda et Bush (contre qui il est devenu si agréable d’opposer un point de vue noble et juste). Sur le plan national au Canada, certains groupes d’opposition récupèrent même avec délices le discours écologique à des fins purement rhétoriques, en attaquant par exemple le parti conservateur pour sa cupidité et son manque d’ouverture (sur ce point, je fus d’ailleurs bien surprise de voir Monsieur Dion se montrer aussi mesuré avec son Premier ministre à Bali). Le joufflu John Baird est devenu une cible de choix pour tous les esprits verts (pratiquants ou non) du pays, y compris le Québec, qui saute évidemment sur une autre occasion d’affirmer sa différence et sa haine des gros pétroliers albertains - différence toute idéologique, semble-t-il, puisque des sondages récents ont indiqué que la consommation énergétique des Québécois est supérieure aux autres provinces. Personne ne semble vouloir entendre que les objectifs trop contraignants en matière d’émission de gaz à effet de serre pourraient perturber la compétitivité économique d’un pays (et, par extension, sa capacité à résister à l’hégémonie culturelle et politique des plus forts) et que, dans le contexte de la mondialisation, aucune solution n’est simple. N’est-il pas utopique, vu sa situation géographique et commerciale, de croire que le Canada ne pourrait que tirer des bénéfices d’un virage dramatique de son économie vers une priorisation de l’environnement ?

Vivement un discours social qui reconnaîtrait ce que vous appelez la vraie question : la cause écologique est-elle viable dans le capitalisme? N’oublions pas que le capitalisme à l’américaine d’après 1991 est d’autant plus débridé que la chute de l’URSS avait été le symbole de la disparition de son dernier ennemi potentiel. Durant les décennies d’après guerre, plusieurs analystes avaient cru que ce consortium pourrait opposer à l’Occident le modèle communiste dans la course à la croissance économique. Sur l’échiquier mondial actuel, il se trouve bien sûr quelques mouvements socialistes et communistes satellites (cristallisés, en Amérique latine par exemple, dans ces images télévisées où Hugo Chavez rend visite à Fidel Castro dans sa chambre d’hôpital), mais je vois mal comment ces mouvements pourraient un jour freiner le capitalisme. Même la Chine se voit maintenant décrite par plusieurs comme un « capitalisme communiste ».

Qu’on m’entende bien : je défendrai toujours la protection de l’environnement (et vilipenderai toujours les conservateurs canadiens pour d’autres raisons), mais j’en appelle à l’humilité chez les participants au discours écologique. Avouons tous que la véritable cause du problème nous dépasse, et qu’une solution globale efficace à court et moyen terme impliquerait des changements profonds aux fondements mêmes de notre système économique. Des changements qui ne sont certainement pas tous désirables pour des individus nés dans le monde de la consommation.

Par contre, en attendant une solution plus globale, monsieur Foglia, je m’oppose fermement à votre indifférence quant aux gestes que les individus peuvent poser ici et maintenant pour la défense de l’environnement, souvent appelés les « trois R » : recycler, réduire, réutiliser. Nous vivons tous sur cette planète et personne, même les intellos baby-boomers tels que vous qui n’en verront pas les résultats de leur vivant, personne n’a le droit de se laver les mains de cette question. Tant pis s’il faut que les médias passent par la culpabilisation des individus, nos lois par des interdictions ou nos programmes scolaires par la sensibilisation de leurs enfants pour les amener à ne pas faire réchauffer leur auto pendant une demi-heure et à fermer le robinet pendant qu’ils brossent leurs dents souillées de nourriture génétiquement modifiée.

Allez, un peu d’effort, un peu de vision d’avenir.

Vertement vôtre,

Marquise de Longdoute

mardi 4 décembre 2007

Épître à Hugo Chavez


Celui qui se voyait déjà Roi de l’État
A mordu la poussière et perdu le débat.
Tyran impétueux affamé de combats
Troquant l’habit kaki pour un tutu de soie,
Se résignant ainsi à plier devant ceux
Qu’il voulait justement ne contrôler que mieux.
Votre règne aura eu quelque chose de beau
Quand, souriant, on lira sur votre tombeau :
« Il pensait posséder le Venezuela
Mais tyroniquement, il n’y arriva pas »


Baron de Moulintombant

dimanche 25 novembre 2007

Carnet de voyage : La Nouvelle-Orléans, ville des hédonistes

Bien-aimé Baron,

Je vous écris d’un endroit assez singulier en ce bas monde. D’une ville que j’ai découverte alors que le soleil déclinait, un samedi. J’ai fait connaissance avec la Nouvelle-Orléans sans initiation, en me faufilant tout de suite à la sortie de mon hôtel dans l’exubérance et le délire de Bourbon Street.

Des bars aux portes grandes ouvertes, collés les uns aux autres, crachent et entremêlent leurs musiques jusque dans la rue, avec assez d’intensité pour que le corps des passants s’en sente dérouté. Des bars de toutes les variantes : country, rock, jazz, salsa ou mariachi, avec ou sans orchestre sur place, du plus débauché au plus guindé. Les fêtards rajustent leurs chapeaux de pitre achetés sans doute le jour même, titubent de porte en porte et se butent aux serveuses portant bien haut leurs cabarets de boissons colorées, aux chariots à hot-dogs ambulants, aux pluies de colliers de billes lancées par d’autres fêtards perchés sur les balcons extérieurs surplombant les trottoirs. Une façade sur trois présente des fontaines à barbotine généreusement alcoolisée aux noms inquiétants (dont les favoris locaux : Hurricane et Hand Grenade) ou des danseuses érotiques, qui parfois s’aventurent même sur le pas des portes (closes, celles-là) en petite tenue. Il fait bon. Les odeurs irrésistibles émanant des restaurants de fruits de mer (délicieux, frais, épicés avec caractère, sublimes!) flottent au hasard et charment le nez un instant, puis ce sera celles des trottoirs (et leur lot quotidien, on l’imagine, de détritus, d’urine et d’autres déjections des plus sordides) qui l’attaqueront l’instant suivant.

Assise avec l’un de ces fameux cocktails catastrophiques au fond d’une salle où joue un groupe à l’affection particulière pour U2 et les Eagles, je regarde une quarantaine de femmes venues s’éclater like there’s no tomorrow. Tout sourires, elles chantent et dansent devant la scène (sur la scène pour celle dont c’est l’anniversaire), s’accrochent les unes aux autres, se pendent aux bras des serveuses ravies de ce soudain flot de profits sans effort. Peu importent les complexes, le poids en trop, les filles des magazines, la vie et ses contrariétés, ses jalousies, ses déceptions, ses incompréhensions. Elles sont là, ensemble, et elles connaissent la chanson. Des couples enlacés passent dehors, les visages allumés, regardant brièvement ce qui se passe de notre côté, puis tournent la tête; il y a tant à voir à la fois. D’autres danseurs ont maintenant rejoint les femmes et improvisent une tentative de danse swing vite avortée par manque d’équilibre. L’ambiance est parfaitement festive et rejoint même les plus réservés, qui tapent les rebords de leur table en suivant le rythme. Les gens fument encore dans les lieux publics ici; j’en avais presque oublié l’effet asséchant sur mes yeux. Je me retrouve éventuellement grisée et quasi aveugle, mais sans doute tout cela fait-il partie de la recherche générale du plaisir, de l’engourdissement et des débordements véhiculés partout dans cette ville.

Car sur le chemin du retour, après avoir retrouvé la vue, je fus fascinée de constater qu’en fait, l’hédonisme est au cœur de tout ce qui vit à la Nouvelle-Orléans (celle des touristes, du moins). Il n’est pas un établissement, pas un kiosque qui ne soit orienté vers l’amusement et la sensualité. L’esprit carnavalesque et la musique imprègnent tout. Le Mardi gras et toutes ses représentations s’empilent dans les magasins : masques de la Commedia dell’arte, jeux, farces et attrapes, costumes et travestissements de toutes sortes et de toutes couleurs.

Comme si, me disais-je alors que je me languissais de votre absence, cette fête chrétienne qui suivait autrefois le carême, était célébrée ici en permanence. Quel sens donner à la célébration à une époque où le divertissement infini offert par les médias et les arts, l’abondance et la bonne chère font partie du quotidien de la majorité? Comment percevoir la fête sans les privations et l’austérité qui la précédaient chez les pratiquants? Que diable venons-nous tous faire dans cette galère?

Au Moyen Âge en Europe, le carnaval avait un sens encore plus profond. Durant les jours de fête, chaque individu choisissait un déguisement, couvrait son visage et quittait son identité sociale. Tous les comportements interdits sous l’ordre officiel devenaient alors permis et tous les rapports de pouvoir, renversés. Ainsi, tous prenaient part à la danse. La fille de joie se permettait de souffleter la riche bourgeoise. Le paysan reluquant la femme de son frère la courtisait ouvertement. Avec le vin, le maistre d’escole se retrouvait ronflant sous une table, le vit à découvert, et le religieux récitait des fabliaux érotiques effrontément et savoureusement païens. Le sens de la fête en était un de distanciation par rapport aux normes établies. Un moment du cycle des saisons où la réalité devenait interchangeable, où le vrai, le faux, le moral et l’immoral n’étaient non pas fixés par l’autorité mais en mouvement.

Notre époque sans carême ne connaîtra jamais une telle signification de la fête, mais la Nouvelle-Orléans m’a rappelé à quel point il sera toujours salvateur de s’abandonner au plaisir pur et de crier haut et fort qu’on est vivant, l’espace d’une soirée en bonne compagnie. S’amuser, malgré la pauvreté désarmante de la région qui l’entoure, et malgré la tristesse des quartiers détruits et toujours abandonnés après le passage de Katrina, il y a deux ans.

D’ici mon retour, veuillez recevoir mes plus tendres sentiments. Passionnément vôtre,

Marquise de Longdoute

mercredi 21 novembre 2007

Réponse à la Lettre d’excuses de Monseigneur le Cardinal de Québec par rapport aux atrocités commises par l’Église catholique dans l’Histoire

Votre Seigneurie,

Je me suis réveillé ce matin en apprenant la nouvelle de votre confession publique et, après m’être remis de ma stupeur, j’ai couru lire ladite Lettre à laquelle je prends grand soin de répondre, en observant le plus grand respect pour la Raison et non pour la Passion qui m’inspirerait une lettre si incendiaire, Votre Binerie, qu'elle vous ferait envier les douceurs chaleureuses de l'Enfer. Peut-être serait-ce trop méchant, aussi tenterai-je de contenir ces élans guidés par la seule Foi que je possède, la mauvaise. Détrompez-vous toutefois, cette Lettre n'est pas pour autant un panégyrique en votre honneur, loin de là.

«Méa coule pas», disait Ducharme, c’est écrit dans l’Évangile. Votre action témoigne de vos lectures de chevet. Vous faites preuve d’une grande dévotion, Votre Croustillance, en effectuant ces aveux publics qui n’auront pas lieu de plaire à certains de vos supérieurs, si ce n’est à votre Grand Patron (je vous laisse deviner lequel). De modestes excuses, en somme, pour un «hiver de force» dans lequel vous avez maintenu notre patrie pendant si longtemps, et que vous situez –à tort- avant 1960, dans le Québec arriéré, rural et duplessiste, comme si, à la mort de Duplessis, l’Église était soudainement devenue pure et exempte de tout blâme. Laissons-là Duplessis, qu’on a si bien vilipendé ces quarante dernières années qu’il doit, à l’endroit où il est, être désormais fort bien rôti.

Vous dites craindre, Votre Insolence, pour l’avenir du Québec, qui vous paraît compromis, et pour la jeunesse québécoise qui manque cruellement de modèles. Si la diminution des naissances et quelque autre raison nébuleuse vous semble annoncer l’Apocalypse, ce n’est purement qu’une question de perception. Apocalypse de la «chousse» québécoise, peut-être, mais cette perception ne témoigne que de la petitesse de votre regard fixé sur le sol où il vous faut creuser pour exhiber cette illustre souche, vestige poussiéreux qui, lui seul, justifie encore votre existence. Quant à moi, je préfère regarder le produit car, pour citer un homme que vous aimez beaucoup, peut-être trop, «on reconnaît l’arbre à ses fruits», et non point à ses racines, comme vous aimeriez si bien nous le faire croire. Quels modèles avez-vous donc à proposer à notre jeunesse? Vous êtes, Votre Pitance, bien avare de détails à ce sujet. Saint Pierre, le traître repentant ? Zaché grimpant dans l’arbre, que vous nous faisiez encore dessiner à l’école, il n’y a pas si longtemps ? Ou encore un de vos « héros », comme ce cher Dollard des Ormeaux, fantasme catholique, martyre illusoire inventé dans l’unique but de mentir honteusement au peuple, de dissimuler la froide vérité, celle qui démontre qu’en réalité, vous n’avez, Votre Insuffisance, aucun modèle crédible à nous proposer ?

Ne croyez pas, Votre Insouciance, qu’un petit « excusez-la » prononcé du bout des lèvres, semblable à ceux que l’on prononçait, sans trop y croire, à la fin des traditionnelles chansons grivoises, suffira à effacer l’ineffaçable, à pardonner l’impardonnable. Comme vous le dites si bien, « on accorde beaucoup plus d’importance au passif de l’Église » qu’à son actif et ce, à fort bon escient. Pour demeurer dans l’allégorie financière, Votre Bombance, votre compte est en souffrance depuis déjà bien longtemps. Je ne sais si, par malheur, vos maîtres avaient pris soin de censurer attentivement tous vos manuels d’histoire, chose qu’ils savaient faire avec une efficacité épatante et qui expliquerait sans doute votre décision d’entrer dans les rangs de ce gang criminalisé que vous appelez l’Église. Devrait-on libérer tous les criminels qui s’excusent publiquement ? Si vous vous choquez probablement, Votre Bigotance, de la cruauté des mots que j’emploie pour qualifier votre chère institution, ils n’en sont pas moins bien pesés. Que vous ayez souffert sous Néron n’a jamais justifié que vous devinssiez des Nérons à votre tour. Quand les croisés, bénis par Urbain II, sont entrés dans Jérusalem et y ont massacré toute la ville au nom de Dieu, recevant grâce à ce haut fait, des mains papales frémissantes d'excitation, l’indulgence plénière, n’était-ce pas un crime digne d’une éternité de purgatoire ? Vous, qui parlez si bien de la « liberté de religion », qu’avez-vous à dire pour justifier les atrocités commises par l’Église catholique de la Renaissance envers ses dissidents Protestants ? Que dire du Massacre de la Saint-Barthélémy ? Que dire du Tribunal de l’Inquisition, autre splendide invention papale ? Je pourrais vous énumérer nombre de méfaits de l'Église depuis 1960, les effets néfastes de ses positions radicales sur le développement des sociétés du tiers monde, le recul des droits humains les plus élémentaires prôné par la droite religieuse catholique américaine au nom Dieu, mais Dieu en tant qu'outil de contrôle et d'asservissement des populations. Cela, Votre Concupiscence, vous ne voulez pas l'entendre, vous ne l'avez jamais voulu. Ce sont, Votre Cécité, les pires crimes qui ont été commis au nom de Dieu et votre Église a plus de sang sur les mains que tous les chefs politiques de l’Histoire réunis. Je vous épargnerai les horreurs commises par vos semblables au Québec, dont vous connaissez déjà la nature et que vous qualifiez, je vous cite, « d’attitudes étroites de certains catholiques avant 1960 ». De toute évidence, Votre Éloquence, vous maîtrisez fort bien la rhétorique de l’euphémisme. C’est un affront à l’Histoire que de banaliser ainsi votre « passif »; c’est un affront aux Québécois que de prétendre que nous pouvons l’oublier et le pardonner. Le peuple québécois, Votre Persistance, a déjà tiré le trait de vos fautes et en a fait la somme. Le résultat de ce brillant calcul commandait la décision éclairée d'expulser définitivement l’Église catholique de l’État québécois.

Je vous fais remarquer, Votre Fantaisie, que vos arguments pour justifier votre retour sur la scène publique (et plus particulièrement académique) ont un caractère vaporeux qui ferait rougir d’envie le plus sot des députés conservateurs. « Nous avons contribué activement à l’histoire et à la culture », « nos valeurs ont façonné l’identité québécoise », dites-vous innocemment dans votre dernier sursaut d’agonie. Je vous donne raison sur ce point : vous avez effectivement contribué activement à nuire au développement social, moral et culturel de notre pays, par la manipulation, le chantage et la censure, domaines de prédilection d’une Église mégalomane et corrompue.

Tout cela pour dire, Votre Impertinence, que votre Lettre d’excuses n’est en fait motivée que par une seule crainte fondamentalement égoïste : celle de votre propre disparition. Cette sournoise machination n’abuse personne. Vous associez à tort l'actuel débat sur les accomodements religieux à un égarement spirituel du Québec causé par son retrait de l'emprise ecclésiastique. À trop renifler les encensoirs, on se met à avoir de troublantes visions. De grâce, reprenez vos esprits, et cessez de jouer les Pythies de la fin du monde! Vous n’inspirez pas de pitié, Votre Arrogance, car vous n’en méritez aucune. Vos jeux de rhéteur sur la préposition («transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement par l’école»), n’arrivent pas à dissimuler l’hypocrisie de votre démarche. De tous temps, les religieux ont versé dans l’intrigue, le chantage et la sournoiserie pour parvenir à leurs fins : votre lettre démontre que rien de cela n’a changé. La seule chose qui pourrait me convaincre de votre bonne foi, Votre Suffisance, serait l’annonce, par le Vatican, de la dissolution complète de l’Église catholique pour cause de faillite morale. Or, nous savons tous fort bien que cela n’arrivera jamais, au même titre d’ailleurs que notre pardon envers vous.

Enfin, on saura peut-être pardonner, non pas le passé de votre Église, Votre Tartuffance, mais votre lettre insolente et votre égarement car, « pour être dévot, vous n’en êtes pas moins homme ».

J’ai l’honneur d’être, etc.

Baron de Moulintombant

dimanche 18 novembre 2007

Addendum à la Lettre aux candidats à la mairie de Québec

Chers lecteurs,

On m'a fait remarquer -à fort bon escient- que, dans ma précédente lettre, je semble suggérer de ne point voter et que je ne propose aucune solution alternative pour les bons citoyens désireux que combattre le plébéisme politique.

Qu'à cela ne tienne, voici ma réponse. Une image vaut mille mots.

Extravagantes salutations

Baron de Moulintombant


mercredi 14 novembre 2007

Lettre aux multiples candidates et candidats à la Mairie de Québec sur l'ascension inquiétante du plébéisme au Québec

Chères coiffeuses, propriétaires de casse-croûtes et autres candidats à la Mairie de Québec,

C'est avec un sourire de désespoir que je regardais, il y a peu, un modeste reportage sur la pluralité des aspirants au trône de Madame la Mairesse Boucher, partie malheureusement avant d'avoir fait trop de mal, en un majestueux coup de théâtre dont elle seule connaissait le secret, laissant la population de Québec dans un égarement politique pitoyable.

Si je me permets de vous écrire à ce sujet aujourd'hui, c'est que la vie municipale de Québec me touche, étant originaire de la Vieille Capitale (vous l'aurez deviné par l'arrogance pompeuse du personnage). Exilé depuis de nombreuses années, je n'en suis pas moins indifférent face aux déboires politiques des habitants de ce qu'on nommait autrefois l'Abitation. Ce n'est pas un hasard si je fais innocemment allusion à la réputation snobinarde des gens de Québec (réputation que je contribue d'ailleurs à entretenir), puisque c'est justement de snobisme dont je veux vous entretenir ou plutôt de la disparition malheureuse de ce phénomène dans les moeurs québécoises. Pour moi, l'affaire est d'autant plus d'actualité que j'enseigne en ce moment les péripéties du pauvre Jourdain, le bourgeois gentilhomme, snob fieffé trompé par sa propre naïveté et accablé de ridicule sous la plume de Monsieur Molière.

Mélangeant toutes ces idées dans ma tête, j'aboutis à la réflexion suivante : peut-on condamner le snob pour sa démarche en elle-même, c'est-à-dire sa volonté de s'élever socialement et intellectuellement, de se distinguer de la plèbe ignorante et méprisante ? Quel mal y a-t-il à vouloir se cultiver, se raffiner, rechercher l'élégance en toute chose ? Le problème du snob, c'est de n'y arriver qu'à moitié; c'est d'ailleurs tout le drame de Jourdain : l'étendue limitée (pour ne pas dire farfelue) de ses nouvelles connaissances ne suffit en rien à justifier son dédain de la bourgeoisie médiocre à laquelle il appartient encore, malgré lui. Or, parce que le snob, dans son orgueil et son air « supérieur », est souvent condescendant à l'égard de tout ce qu'il considère comme populaire, le peuple lui oppose un mépris qui ne devrait être dirigé que contre l'attitude mais qui, dans la foulée, englobe également la démarche.

Vous me suivez, jusque là ? Oui, je sais, Drôles de vidéos débute sous peu à TQS, ne craignez rien, je ne vous retiendrai plus très longtemps.

J'en arrive au coeur de ma réflexion : la sphère politique a toujours été une affaire de snobs. Les politiciens ont longtemps conservé leur allure de satrapes prétentieux, membres privilégiés de l'élite sociale et intellectuelle. Si leur attitude hautaine pouvait en froisser certains, on ne pouvait toutefois douter de leur aptitude à réfléchir (qu'on soit d'accord ou non avec les idées proposées) et à gouverner un État. Or, la montée de l'ADQ et la course à la Mairie de Québec, entre autres choses, témoignent d'un revirement total dans la perception du politicien au Québec. La figure du snob est définitivement destinée à la guillotine : c'est le problème des Boislcair et Dion, dont la seule faute a été d'assumer leur identité de snobs. Verdict : « ils ne passent pas », diront en choeur les plombiers de ce monde et autres analystes politiques de TVA.

Tout comme le snob, autrefois, recherchait l'élégance, l'éloquence et la culture pour être valorisé dans la société, les politiciens d'aujourd'hui font tout à fait le contraire : ce sont des intellectuels qui doivent, pour survivre, prétendre qu'ils ne le sont pas. C'est le phénomène du plébéisme (vous pardonnerez l'invention de ce mot, que je trouvais à propos par opposition au snobisme). Une élite intellectuelle qui s'abaisse socialement et intellectuellement pour être valorisée et obtenir le pouvoir.

Le problème est que, dans toute cette mascarade, il devient impossible de distinguer qui est véritablement imbécile de qui ne fait que semblant. Au moins, avec le snob, il était plus aisé de distinguer l'usurpateur : Monsieur Jourdain n'arrive à tromper personne, même pas sa paysanne de servante. Le problème du plébéisme est autrement plus inquiétant. « Moé j'vous garantis qu'on va met' de l'ord' à ville, pis on va rentrer de l'argent, pis on va couper youski faut couper » s'écrie le brillant candidat Christian Légaré, propriétaire du casse-croûte « Le coin de la Patate ». Mais entre cela et les discours sur les « vraies affaires » de Mario Dumont, quelle différence ? Même Madame Marois n'y échappe pas : sa réputation est compromise pour la simple raison qu'elle est riche, et son avenir politique ne dépend que de son aptitude à faire oublier ce « défaut » inacceptable en s'inspirant du Châtelaine pour construire son programme. Pour réussir en politique québécoise aujourd'hui, il faut fournir ses lettres de plèbe, être (ou paraître) pauvre, ignorant et dépourvu d'esprit. Comment discerner l'idiot qui mènera la ville à la ruine de l'idiot qui n'est idiot que par nécessité politique ?

Mieux vaut ne prendre aucun risque, et ne voter ni pour l'un, ni pour l'autre. Sur ce, bonne course à la mairie, et que le plus imbécile gagne !

Extravagantes salutations,

Baron de Moulintombant

lundi 12 novembre 2007

D’une esthétique de la désintégration et de son effet de lourdeur sur l’imaginaire collectif

Cher Denys Arcand,

Je viens d’écouter l’entrevue que vous avez accordée à Allocine.com en anticipation de l’imminente sortie en salle de L’Age des ténèbres. J’accourrai bien sûr aux portes du cinéma de mon quartier pour le voir le 7 décembre prochain; la véracité et la sensibilité de vos œuvres se passe depuis longtemps de présentation. Toutefois, je n’attends pas ce jour sans appréhension, je vous l’avoue.

Cela n’a rien à voir avec cet échec subi récemment en France où, dit-on, la critique aurait exprimé son désenchantement face au désordre dans les thèmes abordés. Il s’agit plutôt d’une angoisse intime que vos propos semblent éveiller en moi. Vous parlez dans cette entrevue de votre pessimisme par rapport à l’avenir collectif (du Québec? de l’humanité?), et de votre impossibilité d’écrire une comédie pure dans le contexte actuel, où l’Homme évolue dans un trop-plein d’information perpétuel et où les enjeux environnementaux et politiques mondiaux deviennent de plus en plus troublants. Cela ne surprendra personne, s’il est vrai que ce film constitue le dernier volet d’un triptyque entamé avec Le déclin de l’empire américain et Les invasions barbares. C’est ce pessimisme global qui vous a sans doute amené à choisir ce troisième titre aux couleurs de fin du monde et à créer ce personnage de Jean-Marc, quinquagénaire à l’existence médiocre se réfugiant dans le phantasme par réflexe de survie. Et tout y est à son paroxysme : vie de couple et de famille sclérosée, enfermement bureaucratique, mépris sans ambages, maladie grave. Un extrait du film nous offre même un avant-goût de cette doctrine de la fatalité du malheur dans une réplique d’une intransigeance absolue : « un mot résume notre époque : la désintégration ».

Tous les Kundera et Houellebecq de ce monde vous font écho, évidemment. Or, comme le remarque Dany Laferrière dans un court billet sur Cyberpresse, vous offrez une lecture noire, quasi tragique de ce qui pourrait n’être en réalité que les « petites censures et contrariétés du quotidien ». Se pourrait-il que le pessimisme ambiant comme grille d’analyse du mal-vivre des temps modernes soit devenu un lieu commun, une idée convenue en cinématographie comme en littérature?

Que l’on m’apporte à boire, j’ai soif. Je suis jeune et j’exige un peu de lumière.

Je n’ai hélas que rarement trouvé chez les artistes québécois contemporains ou très-contemporains l’émerveillement, la confiance, ou même l’espoir. Même Réjean Ducharme, qui trouvait dans le ludisme une certaine légèreté, aboutissait à l’éloge de la marge, de la destruction. Parmi mes lectures plus récentes, il s’est peut-être trouvé Nicolas Dickner (et Jack Kerouac, du côté américain) pour me consoler avec leurs personnages errants et leur façon de faire apparaître l’extraordinaire dans des situations qui semblent toujours provoquées par le hasard et dont on profite avec fougue.

Certaines cultures réussissent peut-être mieux que la nôtre à faire naître le merveilleux dans leur vision du monde. A l’époque de la colonisation d’Haïti par la France, certains Haïtiens forcés au catholicisme substituaient, par un travail de l’imagination, leurs dieux vaudou aux Saints qu’on les obligeait à prier. Ainsi, ils entraient à l’église avec en tête les noms des divinités qui avaient habité les cœurs de leurs ancêtres, tout en se moquant bien de laisser la scène publique officielle sous le contrôle des envahisseurs; après tout, il ne s’agit que d’un des mille aspects du réel. La culture haïtienne fascine par ses croyances populaires et par cet art de transcender les misères de la vie. Elle ne voit pas dans l’imaginaire qu’une fuite de la réalité (comme votre personnage de Jean-Marc) mais bien un terrain fertile où s’inventer.

Mon angoisse part de cette incompréhension : comment l’imaginaire collectif québécois est-il parvenu à tant de lourdeur? Pourquoi a-t-il tant de mal à transcender le médiocre, le banal, le sans éclat de la condition humaine, sauf en le catapultant dans le pessimisme? Serait-ce en raison d’une disparition de la Foi, ou par simple manque de générosité? Si par mégarde j’oublie quelque artiste québécois plus lumineux, qu’on me libère immédiatement de mon ignorance.

J’attends donc avec angoisse, monsieur, le contenu de votre film, en espérant y déceler un peu d’espoir.

vendredi 9 novembre 2007

Lettre à Mario Dumont ou Pourquoi la triste histoire du chef de l'ADQ m'inspire une tragédie lyrique en cinq actes

Cher Monsieur Dumont,

Si j'ose vous écrire aujourd'hui, c'est qu'il me vient de plaisantes idées à votre sujet.

Connaissez-vous, Monsieur, le mythe de Phaëton ? Permettez-moi d'en douter : je sais que votre culture se base largement sur vos lectures du Journal de Québec, et on y parle rarement de ce genre de choses. Ainsi, pour parfaire votre modeste culture, accordez-moi ces quelques lignes qui résumeront cette histoire tout à fait merveilleuse.

Phaëton est fils d'une mortelle et d'Apollon, dieu-soleil qui éclaire le Monde. Ambitieux, il aspire à la gloire et au renom, et la modestie ne fait pas partie de ses qualités. Aussi est-il fort contrarié quand de mauvaises langues expriment leur scepticisme quant à ses origines divines. Pour leur faire voir leur impertinence, Phaëton frappe à la porte des cieux et demande à Apollon de prouver le lien qui les unit. Apollon, touché, jure de lui accorder ce qu'il désire. Phaëton, soucieux d'épater la galerie, lui demande alors le droit de conduire le char du Soleil à travers les cieux. Apollon est horrifié, car il sait que seul un dieu peut accomplir cet exploit mais, lié par sa promesse, il consent à céder les rênes du Soleil à son fils. Ce dernier, gonflé d'orgueil, commence maladroitement sa course dans le Ciel. Le Soleil, hors de contrôle, brûle tous les pays qu'il survole. Les mortels souffrant de ce désastre font monter leurs cris jusqu'aux cieux, où ils parviennent aux oreilles de Zeus le Magnanime qui, pour mettre fin à cet enfer, fait tomber la foudre sur le char de Phaëton. Le pauvre ambitieux tombe alors du ciel et périt dans la mer.

La légende varie légèrement en fonction des époques et des auteurs qui la reprennent. Lully et Quinault s'en inspirent pour créer, au XVIIe siècle, une admirable tragédie lyrique (un opéra, si vous préférez, peut-être ce mot vous dira-t-il vaguement quelque chose).

J'en arrive, Monsieur, au but de cette lettre : comme ce mythe me venait par hasard à l'esprit, j'ai songé que vous étiez, à votre façon, une sorte de Phaëton moderne. Vous proclamant fils du Peuple (dont les Lumières tardent parfois à briller, j'en conviens), vous aspirez au Pouvoir et à la Gloire. Toutefois, de mauvaises langues doutent de votre authenticité et, pour les faire taire, vous souhaitez faire vos preuves et épater la galerie. Or, il s'avère que vos gestes sont maladroits et prouvent plutôt que vous n'êtes pas à la hauteur de ce que vous prétendez être. Pour mettre fin au supplice que vous nous faites endurer depuis trop longtemps déjà, les dieux de l'Intelligence que vous offensez devront irrémédiablement provoquer votre perte.

Avant de tomber de votre char, Monsieur, gardez en mémoire ces dernières paroles de Zeus à Phaëton (dans la version de Quinault):

«Au bien de l'Univers ta perte est nécessaire;
Sers d'exemple aux audacieux :
Tombe avec ton orgueil, trébuche, téméraire,
Laisse en paix la Terre, et les Cieux »

Je vous quitte sur ces sages paroles, Monsieur, et vous assure que, après votre chute, je composerai un délicieux opéra à votre sujet, afin que l'on se souvienne pour toujours de votre triste médiocrité.

Extravagantes salutations,

Baron de Moulintombant


*Mise à jour - 12 novembre*

Suite au commentaire de Leif Thande (merci à vos yeux perçants) j'ai corrigé la coquille qui s'était sournoisement glissée dans mon texte.

mardi 6 novembre 2007

Lettre à Madame Pauline Marois ou Comment tomber dans la disgrâce auprès des gens intelligents

Madame,

Sans que vous sollicitiez mon humble avis, permettez-moi de vous servir quelques commentaires éclairés sur votre dernière lubie, celle de vouloir créer une toute nouvelle «citoyenneté québécoise».

L'avis semble unanime, dans les milieux que je fréquente, que ce projet n'est qu'un geste désespéré et fort maladroit pour récupérer quelques votes « volés » par la popularité de l'intolérance adéquiste. Cela me semble tout à fait juste et évident, aussi ne prendrai-je pas de mon précieux temps pour en discuter davantage. Ce dont je veux vous entretenir, Madame, c'est du projet en lui-même et pour lui-même, de son sens à mes yeux, de son incongruité, de sa profonde et entière idiotie.

Il vaudrait mieux, à mon avis, ne point gaspiller votre temps sur de pareilles futilités, et proposer plutôt un moyen d'améliorer l'enseignement du français (j'entends d'ailleurs parler, au moment où je rédige cette lettre, de la médiocre qualité de la langue chez les enseignants du primaire) et de la culture littéraire française que votre chère Réforme, Madame, a plongé dans l'abysse. Enfin, je m'égare, et vous promets de revenir plus tard sur ce sujet dans une autre lettre, si d'aventures vous venez à reprendre les rênes de l'État. Pour l'instant, comme disait Rabelais, revenons à nos moutons, qui ont grand besoin d'être tondus.

Madame, vouloir légiférer pour interdire à un individu ne maîtrisant pas la langue d'un pays de se présenter comme candidat lors d'une élection me semble l'idée la plus sombrement farfelue qu'il m'ait été donné d'entendre ces derniers mois. Si ce projet voyait le jour, il s'agirait sans nul doute de la consécration de l'incapacité du peuple québécois à se gouverner lui-même et, par extension, à l'impossibilité de la souveraineté du Québec. Comment peut-il en être autrement ? Comment un peuple pourrait-il se prétendre mature, apte et souverain, s'il a besoin qu'on lui dise pour qui il doit ou ne doit pas voter ? À ce compte, Madame, pourquoi ne pas imprimer des bulletins de vote déjà remplis ?

Être d'accord avec ce projet, comme citoyen, c'est proclamer l'inutilité de la démocratie prônant la liberté de voter pour l'un ou pour l'autre, selon nos principes, nos valeurs, notre bon jugement. Proposer cette loi en tant que parlementaire, Madame, annonce clairement au peuple que vous ne croyez nullement en son discernement, pensant qu'il pourrait commettre, dans son égarement, l'erreur ultime : élire un étranger, un paria même, à la tête de l'État. Si cela survenait, Madame, ne croyez-vous pas que le Québec pourrait avoir de bonnes raisons de voter ainsi ? Méprisez-vous à ce point le peuple québécois que vous jugez nécessaire de lui interdire de voter pour un candidat ne respectant pas vos critères « d'admissibilité » ? Plus encore, en admettant que le Québec puisse élire une telle personne et que ce fut une erreur, ne croyez-vous pas que ce serait la meilleure façon de ne la point reproduire, tout comme l'enfant qui, jouant trop près du four malgré les avertissements de ses parents, finit irrémédiablement par s'y brûler, mais ne s'y fera plus jamais reprendre ? La démocratie a ceci de merveilleux qu'elle peut punir le peuple pour son égarement sans pour autant le priver de la possibilité de corriger sa situation. Nous assistons à ce phénomène au niveau fédéral : il faudra un gouvernement conservateur majoritaire pour que le peuple canadien se rende compte -douloureusement, sans doute- qu'il peut être périlleux d'apposer sa croix sur un visage et non sur un programme.

Ne croyez pas, Madame, que vous êtes la seule à contribuer à cette vague infantilisante pour le Québec. Ce n'est guère une mode, en Amérique du Nord, dans nos sociétés surprotégées où la faute est toujours celle de quelqu'un d'autre. Nous vivons malheureusement dans une société tout à fait incapable d'assumer la responsabilité de ses actes. Cela est vrai autant pour l'individu québécois que pour l'entité québécoise. Que l'on se casse le cou en escaladant une montagne, ce sera invariablement la faute de l'État ayant omis d'interdire l'escalade. Que l'on se casse le cou en portant au pouvoir un(e) imbécile, ce sera invariablement la faute de l'État ayant omis de nous interdire de voter.

Sur ce, Madame, permettez-moi de prendre congé en vous assurant ceci : je méprise profondément votre démarche et la crois digne de l'esprit le plus sot. Par conséquent, je ne pourrai me résoudre à voter pour quelqu'un qui prétend vouloir me dicter quel choix est bon et quel choix est mauvais. Ce serait, Madame, le commencement de la fin de la démocratie au Québec.

Extravagantes salutations,

Votre humble détracteur, Baron de Moulintombant