vendredi 9 novembre 2007

Lettre à Mario Dumont ou Pourquoi la triste histoire du chef de l'ADQ m'inspire une tragédie lyrique en cinq actes

Cher Monsieur Dumont,

Si j'ose vous écrire aujourd'hui, c'est qu'il me vient de plaisantes idées à votre sujet.

Connaissez-vous, Monsieur, le mythe de Phaëton ? Permettez-moi d'en douter : je sais que votre culture se base largement sur vos lectures du Journal de Québec, et on y parle rarement de ce genre de choses. Ainsi, pour parfaire votre modeste culture, accordez-moi ces quelques lignes qui résumeront cette histoire tout à fait merveilleuse.

Phaëton est fils d'une mortelle et d'Apollon, dieu-soleil qui éclaire le Monde. Ambitieux, il aspire à la gloire et au renom, et la modestie ne fait pas partie de ses qualités. Aussi est-il fort contrarié quand de mauvaises langues expriment leur scepticisme quant à ses origines divines. Pour leur faire voir leur impertinence, Phaëton frappe à la porte des cieux et demande à Apollon de prouver le lien qui les unit. Apollon, touché, jure de lui accorder ce qu'il désire. Phaëton, soucieux d'épater la galerie, lui demande alors le droit de conduire le char du Soleil à travers les cieux. Apollon est horrifié, car il sait que seul un dieu peut accomplir cet exploit mais, lié par sa promesse, il consent à céder les rênes du Soleil à son fils. Ce dernier, gonflé d'orgueil, commence maladroitement sa course dans le Ciel. Le Soleil, hors de contrôle, brûle tous les pays qu'il survole. Les mortels souffrant de ce désastre font monter leurs cris jusqu'aux cieux, où ils parviennent aux oreilles de Zeus le Magnanime qui, pour mettre fin à cet enfer, fait tomber la foudre sur le char de Phaëton. Le pauvre ambitieux tombe alors du ciel et périt dans la mer.

La légende varie légèrement en fonction des époques et des auteurs qui la reprennent. Lully et Quinault s'en inspirent pour créer, au XVIIe siècle, une admirable tragédie lyrique (un opéra, si vous préférez, peut-être ce mot vous dira-t-il vaguement quelque chose).

J'en arrive, Monsieur, au but de cette lettre : comme ce mythe me venait par hasard à l'esprit, j'ai songé que vous étiez, à votre façon, une sorte de Phaëton moderne. Vous proclamant fils du Peuple (dont les Lumières tardent parfois à briller, j'en conviens), vous aspirez au Pouvoir et à la Gloire. Toutefois, de mauvaises langues doutent de votre authenticité et, pour les faire taire, vous souhaitez faire vos preuves et épater la galerie. Or, il s'avère que vos gestes sont maladroits et prouvent plutôt que vous n'êtes pas à la hauteur de ce que vous prétendez être. Pour mettre fin au supplice que vous nous faites endurer depuis trop longtemps déjà, les dieux de l'Intelligence que vous offensez devront irrémédiablement provoquer votre perte.

Avant de tomber de votre char, Monsieur, gardez en mémoire ces dernières paroles de Zeus à Phaëton (dans la version de Quinault):

«Au bien de l'Univers ta perte est nécessaire;
Sers d'exemple aux audacieux :
Tombe avec ton orgueil, trébuche, téméraire,
Laisse en paix la Terre, et les Cieux »

Je vous quitte sur ces sages paroles, Monsieur, et vous assure que, après votre chute, je composerai un délicieux opéra à votre sujet, afin que l'on se souvienne pour toujours de votre triste médiocrité.

Extravagantes salutations,

Baron de Moulintombant


*Mise à jour - 12 novembre*

Suite au commentaire de Leif Thande (merci à vos yeux perçants) j'ai corrigé la coquille qui s'était sournoisement glissée dans mon texte.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Baron,

j'adooooore quand vous me racontez d'aussi belles histoires que celle de Phaëton. Surtout avec cette verve unique qui vous caractérise.

Je vois également avec une pointe de jalousie que votre «salon» est un des hauts lieux de la réflexion intellectuelle au Québec, où les gens plaisants y vont de courbettes fines et de figures agréables pour discuter et faire avancer les débats.

Baron de Moulintombant a dit…

Cher Regard,

Votre salon n'a rien à envier au mien, je vous l'assure : la preuve est que je le fréquente régulièrement, et vous savez fort bien que je ne me contenterais pas de médiocrité.

Si mon salon paraît plaisant ou du moins en voie de l'être, c'est d'abord grâce aux gens d'esprit qui s'y invitent, à mon plus grand plaisir. Autrement, ce ne serait, en quelque sorte, qu'une pantoufle de soie sans pied pour l'habiter. Sur cette pointe d'impertinence, je vous salue bien bas.

Anonyme a dit…

Cher Baron et chère Marquise (à quand votre première contribution?),

permettez-moi de vous écrire cette courte lettre qui portera sur la forme de votre correspondance. Comme vos lettres sont belles et soignées! Comme l'oiseau qui orne vos lettres est beau! Comme je suis jaloux de votre style! Quel plaisir de vous lire! Bon, je crois que j'abuse des points d'exclamation!

Chaque jour, j'attends avec impatience la venue du courrier en espérant des nouvelles de votre part.

Modestement vôtre,
Vecteur

Renart Léveillé a dit…

Cher Baron,

je suis pris au piège de votre grande éloquence et vais de ce pas publier une missive en mon carnet pour alerter la blogosphère de l'existence de cette lettre ouverte.

Leif Thande a dit…

La plume a dû vous glisser des mains : « et la modestie de fait pas partie de ses qualités »

Au plaisir de vous lire bientôt.

françois a dit…

Excellent! Je reviendrai.
Si ce n'est pour le plaisir, ça sera pour la culture. Ou bien, les deux.

Ça donne envie d'applaudir, comme à l'opéra.