mercredi 21 novembre 2007

Réponse à la Lettre d’excuses de Monseigneur le Cardinal de Québec par rapport aux atrocités commises par l’Église catholique dans l’Histoire

Votre Seigneurie,

Je me suis réveillé ce matin en apprenant la nouvelle de votre confession publique et, après m’être remis de ma stupeur, j’ai couru lire ladite Lettre à laquelle je prends grand soin de répondre, en observant le plus grand respect pour la Raison et non pour la Passion qui m’inspirerait une lettre si incendiaire, Votre Binerie, qu'elle vous ferait envier les douceurs chaleureuses de l'Enfer. Peut-être serait-ce trop méchant, aussi tenterai-je de contenir ces élans guidés par la seule Foi que je possède, la mauvaise. Détrompez-vous toutefois, cette Lettre n'est pas pour autant un panégyrique en votre honneur, loin de là.

«Méa coule pas», disait Ducharme, c’est écrit dans l’Évangile. Votre action témoigne de vos lectures de chevet. Vous faites preuve d’une grande dévotion, Votre Croustillance, en effectuant ces aveux publics qui n’auront pas lieu de plaire à certains de vos supérieurs, si ce n’est à votre Grand Patron (je vous laisse deviner lequel). De modestes excuses, en somme, pour un «hiver de force» dans lequel vous avez maintenu notre patrie pendant si longtemps, et que vous situez –à tort- avant 1960, dans le Québec arriéré, rural et duplessiste, comme si, à la mort de Duplessis, l’Église était soudainement devenue pure et exempte de tout blâme. Laissons-là Duplessis, qu’on a si bien vilipendé ces quarante dernières années qu’il doit, à l’endroit où il est, être désormais fort bien rôti.

Vous dites craindre, Votre Insolence, pour l’avenir du Québec, qui vous paraît compromis, et pour la jeunesse québécoise qui manque cruellement de modèles. Si la diminution des naissances et quelque autre raison nébuleuse vous semble annoncer l’Apocalypse, ce n’est purement qu’une question de perception. Apocalypse de la «chousse» québécoise, peut-être, mais cette perception ne témoigne que de la petitesse de votre regard fixé sur le sol où il vous faut creuser pour exhiber cette illustre souche, vestige poussiéreux qui, lui seul, justifie encore votre existence. Quant à moi, je préfère regarder le produit car, pour citer un homme que vous aimez beaucoup, peut-être trop, «on reconnaît l’arbre à ses fruits», et non point à ses racines, comme vous aimeriez si bien nous le faire croire. Quels modèles avez-vous donc à proposer à notre jeunesse? Vous êtes, Votre Pitance, bien avare de détails à ce sujet. Saint Pierre, le traître repentant ? Zaché grimpant dans l’arbre, que vous nous faisiez encore dessiner à l’école, il n’y a pas si longtemps ? Ou encore un de vos « héros », comme ce cher Dollard des Ormeaux, fantasme catholique, martyre illusoire inventé dans l’unique but de mentir honteusement au peuple, de dissimuler la froide vérité, celle qui démontre qu’en réalité, vous n’avez, Votre Insuffisance, aucun modèle crédible à nous proposer ?

Ne croyez pas, Votre Insouciance, qu’un petit « excusez-la » prononcé du bout des lèvres, semblable à ceux que l’on prononçait, sans trop y croire, à la fin des traditionnelles chansons grivoises, suffira à effacer l’ineffaçable, à pardonner l’impardonnable. Comme vous le dites si bien, « on accorde beaucoup plus d’importance au passif de l’Église » qu’à son actif et ce, à fort bon escient. Pour demeurer dans l’allégorie financière, Votre Bombance, votre compte est en souffrance depuis déjà bien longtemps. Je ne sais si, par malheur, vos maîtres avaient pris soin de censurer attentivement tous vos manuels d’histoire, chose qu’ils savaient faire avec une efficacité épatante et qui expliquerait sans doute votre décision d’entrer dans les rangs de ce gang criminalisé que vous appelez l’Église. Devrait-on libérer tous les criminels qui s’excusent publiquement ? Si vous vous choquez probablement, Votre Bigotance, de la cruauté des mots que j’emploie pour qualifier votre chère institution, ils n’en sont pas moins bien pesés. Que vous ayez souffert sous Néron n’a jamais justifié que vous devinssiez des Nérons à votre tour. Quand les croisés, bénis par Urbain II, sont entrés dans Jérusalem et y ont massacré toute la ville au nom de Dieu, recevant grâce à ce haut fait, des mains papales frémissantes d'excitation, l’indulgence plénière, n’était-ce pas un crime digne d’une éternité de purgatoire ? Vous, qui parlez si bien de la « liberté de religion », qu’avez-vous à dire pour justifier les atrocités commises par l’Église catholique de la Renaissance envers ses dissidents Protestants ? Que dire du Massacre de la Saint-Barthélémy ? Que dire du Tribunal de l’Inquisition, autre splendide invention papale ? Je pourrais vous énumérer nombre de méfaits de l'Église depuis 1960, les effets néfastes de ses positions radicales sur le développement des sociétés du tiers monde, le recul des droits humains les plus élémentaires prôné par la droite religieuse catholique américaine au nom Dieu, mais Dieu en tant qu'outil de contrôle et d'asservissement des populations. Cela, Votre Concupiscence, vous ne voulez pas l'entendre, vous ne l'avez jamais voulu. Ce sont, Votre Cécité, les pires crimes qui ont été commis au nom de Dieu et votre Église a plus de sang sur les mains que tous les chefs politiques de l’Histoire réunis. Je vous épargnerai les horreurs commises par vos semblables au Québec, dont vous connaissez déjà la nature et que vous qualifiez, je vous cite, « d’attitudes étroites de certains catholiques avant 1960 ». De toute évidence, Votre Éloquence, vous maîtrisez fort bien la rhétorique de l’euphémisme. C’est un affront à l’Histoire que de banaliser ainsi votre « passif »; c’est un affront aux Québécois que de prétendre que nous pouvons l’oublier et le pardonner. Le peuple québécois, Votre Persistance, a déjà tiré le trait de vos fautes et en a fait la somme. Le résultat de ce brillant calcul commandait la décision éclairée d'expulser définitivement l’Église catholique de l’État québécois.

Je vous fais remarquer, Votre Fantaisie, que vos arguments pour justifier votre retour sur la scène publique (et plus particulièrement académique) ont un caractère vaporeux qui ferait rougir d’envie le plus sot des députés conservateurs. « Nous avons contribué activement à l’histoire et à la culture », « nos valeurs ont façonné l’identité québécoise », dites-vous innocemment dans votre dernier sursaut d’agonie. Je vous donne raison sur ce point : vous avez effectivement contribué activement à nuire au développement social, moral et culturel de notre pays, par la manipulation, le chantage et la censure, domaines de prédilection d’une Église mégalomane et corrompue.

Tout cela pour dire, Votre Impertinence, que votre Lettre d’excuses n’est en fait motivée que par une seule crainte fondamentalement égoïste : celle de votre propre disparition. Cette sournoise machination n’abuse personne. Vous associez à tort l'actuel débat sur les accomodements religieux à un égarement spirituel du Québec causé par son retrait de l'emprise ecclésiastique. À trop renifler les encensoirs, on se met à avoir de troublantes visions. De grâce, reprenez vos esprits, et cessez de jouer les Pythies de la fin du monde! Vous n’inspirez pas de pitié, Votre Arrogance, car vous n’en méritez aucune. Vos jeux de rhéteur sur la préposition («transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement par l’école»), n’arrivent pas à dissimuler l’hypocrisie de votre démarche. De tous temps, les religieux ont versé dans l’intrigue, le chantage et la sournoiserie pour parvenir à leurs fins : votre lettre démontre que rien de cela n’a changé. La seule chose qui pourrait me convaincre de votre bonne foi, Votre Suffisance, serait l’annonce, par le Vatican, de la dissolution complète de l’Église catholique pour cause de faillite morale. Or, nous savons tous fort bien que cela n’arrivera jamais, au même titre d’ailleurs que notre pardon envers vous.

Enfin, on saura peut-être pardonner, non pas le passé de votre Église, Votre Tartuffance, mais votre lettre insolente et votre égarement car, « pour être dévot, vous n’en êtes pas moins homme ».

J’ai l’honneur d’être, etc.

Baron de Moulintombant

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous m'enlevez les maux de la bouche, cher Baron de M. Comme je l'écris dans ma propre correspondance (en moins subtil il est vrai) tout mea culpa ne devrait-il pas être accompagné d'un ça-n'arrivera-plus?

P.S. on remarque que vos lettres sont souvent expédiées à des gens de Québec. N'oubliez pas les pauvres diables qui habitent Ville-Marie.

Baron de Moulintombant a dit…

Cher Vecteur, si les gens de Ville-Marie faisaient autant de bêtises que ceux de Québec, ils auraient droit à autant de considération de ma part, soyez-en assuré.

Amicalement,

Baron de Moulintombant

Anonyme a dit…

Bien que je sois republicain jusqu'au bout des ongles, veuillez, cher Baron, recevoir à vos pieds toutes mes considerations les plus sinceres.

Quel texte magnifique, quelle belle envolée. Plus populairement j'aurais dit: « Vlan, dans les dents ! »

Souvenez-vous quand meme que les royalistes (et les anglais du canada) et l'eglise ont toujours ete de conivence. Quand il est question d'asservir le petit peuple, ils se sont toujours tres bien entendu. Quel sens des affaires.

Mes salutations les plus royales.

Philippe le fromage qui pue !

Anonyme a dit…

La dernière des bêtises de l'ÉGlise catholique, toute récente, est de vouloir imposer au Québec multiculturel, athée, républicain, laïc, un programme de conversion à la foi chrétienne dans nos écoles primaire et secondaire.

Cette idée, qui va à l'encontre d'une école qui forme le citoyen, et non le croyant, a été défendue, et l'est toujours, par ce cardinal Ouellet qui s'enfuit en Espagne la semaine où il décide de lâcher sa bombe puante dans les médias obnubilés par tout ce qui respire l'encens et le dessous de soutane.

Cher baron, votre éloquence a, une fois de plus, touché les zones les moins stimulées de ma réflexion! Bravo!