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mercredi 2 janvier 2008

Lettre à Monsieur Denis Bouchard sur le spectacle d’ouverture du 400e de Québec

Monsieur,

Vous devez être bien fier, après les éloges dont on vous a couvert, d’avoir été le principal artisan de ce fameux spectacle qui devait ouvrir les célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec. Je vous avouerai bien humblement que j’avais de grandes attentes envers votre spectacle car, même si je n’ai plus pignon sur rue à Québec depuis bon nombre d’années, je suis quand même profondément attaché à cette ville, ne serait-ce que pour son histoire, sa beauté. Et puis, une fête de 400 ans, ce devait être quelque chose de grand, le genre de chose que l’on ne voit qu’une fois dans notre vie, si vous voyez ce que je veux dire. Vous me permettrez donc, en ce début d’année où les bonnes résolutions et autres paroles d’ivrognes nous empoisonnent déjà l’existence, de jouer les trouble-fêtes et de vous dire, envers et contre tous, que votre spectacle, Monsieur, était d’une médiocrité qui m’a arraché quelques larmes.

On m’accusera sans doute de mauvaise foi : je n’ai pas eu le courage de faire le voyage pour aller m’entasser avec les autres à Place d’Youville et il est vrai que le 31 au soir, je n’ai pu voir que des fragments du spectacle qui m’a troublé par son caractère phénoménalement quelconque. Comme je sais qu’on ne peut pas toujours juger du général par le particulier, je me suis fait un devoir de regarder le spectacle en reprise le lendemain, la tête froide (et sobre). Je n’ai pas été déçu. Je veux dire : je n’ai pas été déçu de voir que je ne m’étais pas trompé sur la banalité de cet événement.

Je tiens à préciser, Monsieur, que je ne veux pas dénigrer la plupart des artistes qui ont participé à cette fête. Ils avaient foi en leur talent (la plupart en avaient un) et ils ne faisaient, en somme, que ce que vous leur avez demandé de faire. Jacques Villeneuve n’a pas de talent de chanteur, mais on ne peut lui reprocher d’avoir enregistré un album si, depuis que lui est venue cette fantaisie de devenir musicien, personne n’a eu le courage de lui dire qu’il était mauvais. Vos artistes, Monsieur, ont fait ce qu’ils ont pu pour soutenir le peu de créativité qu’il y avait derrière ce spectacle, mais leur talent n’était simplement pas à la hauteur d’un événement qui devait être d’une envergure inégalée.

Vous avez été bien prompt, Monsieur, à vous couronner des bons mots qu’on a véhiculés en boucle dans la presse québécoise à propos de ce spectacle. Si vous aviez ne serait-ce qu’un atome de sens critique, chose que je désespère désormais de trouver au Québec, vous auriez probablement remarqué que ces commentaires, tous bons qu’ils soient, ne sont fondés que sur les vaporeuses impressions de journalistes de fin de semaine : « la population en a eu plein la vue », « les gens ont été éblouis ». Vous m’accorderez, Monsieur, que toute critique, bonne ou mauvaise, doit être appuyée sur des observations plus étoffées que cela.

Votre spectacle était, au mieux, digne de ces innombrables productions inintéressantes que l’on présente dans les casinos et aurait sans doute été à sa place entre
Génération Motown et Hommage à Michel Louvain. Un numéro de danse cubaine dans une fête qui doit être inoubliable ? De grâce, vous auriez dû laisser cela où vous l’avez déniché, probablement au Coconut Resort de Cayo Coco où vous passerez peut-être des vacances bien méritées. Le 400e de Québec méritait mieux qu’un de ces vulgaires spectacles de variétés destinés à une poignée de têtes blanches sans esprit qui applaudissent à tort et à travers, tout contents qu’ils sont de pouvoir sortir de leur foyer. Les « célébrités » qui participaient à votre spectacle avaient d’ailleurs tout pour plaire à ce genre de public. Les bonnes vieilles dames ont certainement versé une larme en apercevant l’insupportable Bruno Pelletier descendre sur scène dans son manteau de diva, lui qui sait insuffler autant d’émotions dans « je t’aime » que dans « je promène mon caniche ». Grégory Charles, n’en parlons point : lui aussi est un monument du spectacle de variétés. Quant à l’insipide Stéphane Rousseau, je m’étonne qu’il ait accepté de paraître sur scène autrement que torse nu; le froid y était sans doute pour quelque chose. Pelletier, Charles, Rousseau... et pourquoi pas Carmen Campagne ? Il me semble que le Québec possède des artistes illustres qui auraient été plus à même de faire lever la fête et d’en faire quelque chose d’électrisant. Il y a de ces spectacles qui frappent l'esprit, le genre d'amalgame d'artistes que l'on voit une seule fois dans notre vie : Charlebois, Pagliaro, Gilles Vigneault, Piché 2(x-45)+80, Séguin, Mes Aïeux, les Cowboys fringants, Luce Dufault, Marjo, Diane Dufresne, Jean-Pierre Ferland, Corneille, Ariane Moffat et bien d'autres. Je ne les apprécie pas tous également, mais ils auraient certainement su marquer, à leur façon, un véritable «événement». Comment expliquer la maigre distribution de votre spectacle ? Avez-vous manqué de budget ? Monsieur Pelletier aurait-il fait des pressions pour conserver l'exclusivité du « gros nom » ? Peu importe vos raisons, cela ne change rien au fait que votre spectacle n'a pas été un « événement ». Les critiques qui vous encensent ne me leurrent pas : j’ai vu la foule, et il y avait autant d’ambiance à Place d’Youville qu’à St-Pierre de Rome pour la bénédiction papale.

Il est louable que vous ayez eu un souci pour la relève en invitant dans votre spectacle de jeunes artistes moins connus. Or, peut-être n’ont-ils pas été suffisamment encadrés : c’était votre devoir, vous qui détenez l’Expérience, de les guider et de les empêcher de trébucher. Où étiez-vous donc, Monsieur, pour les avoir laissés s’humilier de la sorte ? J’avais entendu de fort bons commentaires sur la jeune Pascale Picard, que je ne connaissais pas du tout. J’ai du mal à concevoir qu’on ait pu la laisser jouer une cacophonie insupportable qui ressemblait étrangement à ce que le jeune fils de mon voisin joue dans son garage le samedi après-midi. Tout sonnait faux : la musique, la voix… et même pour un musicien profane, ce numéro n’avait rien de charmant. Le numéro de Florence K, Claire Pelletier et Jessica Vigneault, déguisées en regrettées duchesses du Carnaval, était moins pénible mais tout aussi banal. Et que dire de ce numéro qui fut le clou dans le cercueil de ma bonne foi : ce rap désolant sur les noms des rues de Québec, qui devait attiser la foule en lui criant « Saint ! Saint ! Saint ! Québec est la ville des Saints ! ». Les mots me manquent (et ce n’est pas peu dire, Monsieur) pour qualifier un pareil désastre.

Même votre feu d’artifice était banal. Qu’on me comprenne bien : voir un feu d’artifice au-dessus de Québec a quelque chose d’indéniablement charmant en soi, mais vous avez voulu un gros « boum », tel un enfant qui s’amuse avec des pétards et qui veut tout faire exploser d’un seul coup. La pyrotechnie, comme la musique, demande de la subtilité, de la finesse, de l’harmonie dans les formes et les couleurs. On aura vu mieux aux Grands Feux Loto-Québec.

De la finesse, de l’harmonie, de la subtilité; trois choses que vous avez oubliées dans votre spectacle, Monsieur, et qui m’obligent cruellement à conclure que l’ouverture du 400e de Québec était au pire complètement ratée, au mieux péniblement quelconque.

Je vous quitte, Monsieur, en souhaitant que vous sachiez peut-être oublier mon insolence sur les blanches plages de Cayo Coco.

De votre humble mais non moins franc serviteur,

Baron de Moulintombant

jeudi 20 décembre 2007

Épître au Père Noël

Grand barbu sournois, fieffé coquin, menteur
Idole des escrocs, grand dieu des arnaqueurs;
Il ne lui suffit pas d’onze mois de vacances
Il faut qu’à l’insolence il rajoute l’offense.
C’est bien lui, je le sais, le pervers gros malin
Car même si, bien hypocritement, il lui vient
D’accuser dans la tourmente un pauvre lutin
Ses maigres excuses ne nous abusent en rien.
C’est pour bientôt, je le sens, l’eût-on jamais cru ?
Qu’il sera candidat pour la chère ADQ !

Baron de Moulintombant

mardi 4 décembre 2007

Épître à Hugo Chavez


Celui qui se voyait déjà Roi de l’État
A mordu la poussière et perdu le débat.
Tyran impétueux affamé de combats
Troquant l’habit kaki pour un tutu de soie,
Se résignant ainsi à plier devant ceux
Qu’il voulait justement ne contrôler que mieux.
Votre règne aura eu quelque chose de beau
Quand, souriant, on lira sur votre tombeau :
« Il pensait posséder le Venezuela
Mais tyroniquement, il n’y arriva pas »


Baron de Moulintombant

mercredi 21 novembre 2007

Réponse à la Lettre d’excuses de Monseigneur le Cardinal de Québec par rapport aux atrocités commises par l’Église catholique dans l’Histoire

Votre Seigneurie,

Je me suis réveillé ce matin en apprenant la nouvelle de votre confession publique et, après m’être remis de ma stupeur, j’ai couru lire ladite Lettre à laquelle je prends grand soin de répondre, en observant le plus grand respect pour la Raison et non pour la Passion qui m’inspirerait une lettre si incendiaire, Votre Binerie, qu'elle vous ferait envier les douceurs chaleureuses de l'Enfer. Peut-être serait-ce trop méchant, aussi tenterai-je de contenir ces élans guidés par la seule Foi que je possède, la mauvaise. Détrompez-vous toutefois, cette Lettre n'est pas pour autant un panégyrique en votre honneur, loin de là.

«Méa coule pas», disait Ducharme, c’est écrit dans l’Évangile. Votre action témoigne de vos lectures de chevet. Vous faites preuve d’une grande dévotion, Votre Croustillance, en effectuant ces aveux publics qui n’auront pas lieu de plaire à certains de vos supérieurs, si ce n’est à votre Grand Patron (je vous laisse deviner lequel). De modestes excuses, en somme, pour un «hiver de force» dans lequel vous avez maintenu notre patrie pendant si longtemps, et que vous situez –à tort- avant 1960, dans le Québec arriéré, rural et duplessiste, comme si, à la mort de Duplessis, l’Église était soudainement devenue pure et exempte de tout blâme. Laissons-là Duplessis, qu’on a si bien vilipendé ces quarante dernières années qu’il doit, à l’endroit où il est, être désormais fort bien rôti.

Vous dites craindre, Votre Insolence, pour l’avenir du Québec, qui vous paraît compromis, et pour la jeunesse québécoise qui manque cruellement de modèles. Si la diminution des naissances et quelque autre raison nébuleuse vous semble annoncer l’Apocalypse, ce n’est purement qu’une question de perception. Apocalypse de la «chousse» québécoise, peut-être, mais cette perception ne témoigne que de la petitesse de votre regard fixé sur le sol où il vous faut creuser pour exhiber cette illustre souche, vestige poussiéreux qui, lui seul, justifie encore votre existence. Quant à moi, je préfère regarder le produit car, pour citer un homme que vous aimez beaucoup, peut-être trop, «on reconnaît l’arbre à ses fruits», et non point à ses racines, comme vous aimeriez si bien nous le faire croire. Quels modèles avez-vous donc à proposer à notre jeunesse? Vous êtes, Votre Pitance, bien avare de détails à ce sujet. Saint Pierre, le traître repentant ? Zaché grimpant dans l’arbre, que vous nous faisiez encore dessiner à l’école, il n’y a pas si longtemps ? Ou encore un de vos « héros », comme ce cher Dollard des Ormeaux, fantasme catholique, martyre illusoire inventé dans l’unique but de mentir honteusement au peuple, de dissimuler la froide vérité, celle qui démontre qu’en réalité, vous n’avez, Votre Insuffisance, aucun modèle crédible à nous proposer ?

Ne croyez pas, Votre Insouciance, qu’un petit « excusez-la » prononcé du bout des lèvres, semblable à ceux que l’on prononçait, sans trop y croire, à la fin des traditionnelles chansons grivoises, suffira à effacer l’ineffaçable, à pardonner l’impardonnable. Comme vous le dites si bien, « on accorde beaucoup plus d’importance au passif de l’Église » qu’à son actif et ce, à fort bon escient. Pour demeurer dans l’allégorie financière, Votre Bombance, votre compte est en souffrance depuis déjà bien longtemps. Je ne sais si, par malheur, vos maîtres avaient pris soin de censurer attentivement tous vos manuels d’histoire, chose qu’ils savaient faire avec une efficacité épatante et qui expliquerait sans doute votre décision d’entrer dans les rangs de ce gang criminalisé que vous appelez l’Église. Devrait-on libérer tous les criminels qui s’excusent publiquement ? Si vous vous choquez probablement, Votre Bigotance, de la cruauté des mots que j’emploie pour qualifier votre chère institution, ils n’en sont pas moins bien pesés. Que vous ayez souffert sous Néron n’a jamais justifié que vous devinssiez des Nérons à votre tour. Quand les croisés, bénis par Urbain II, sont entrés dans Jérusalem et y ont massacré toute la ville au nom de Dieu, recevant grâce à ce haut fait, des mains papales frémissantes d'excitation, l’indulgence plénière, n’était-ce pas un crime digne d’une éternité de purgatoire ? Vous, qui parlez si bien de la « liberté de religion », qu’avez-vous à dire pour justifier les atrocités commises par l’Église catholique de la Renaissance envers ses dissidents Protestants ? Que dire du Massacre de la Saint-Barthélémy ? Que dire du Tribunal de l’Inquisition, autre splendide invention papale ? Je pourrais vous énumérer nombre de méfaits de l'Église depuis 1960, les effets néfastes de ses positions radicales sur le développement des sociétés du tiers monde, le recul des droits humains les plus élémentaires prôné par la droite religieuse catholique américaine au nom Dieu, mais Dieu en tant qu'outil de contrôle et d'asservissement des populations. Cela, Votre Concupiscence, vous ne voulez pas l'entendre, vous ne l'avez jamais voulu. Ce sont, Votre Cécité, les pires crimes qui ont été commis au nom de Dieu et votre Église a plus de sang sur les mains que tous les chefs politiques de l’Histoire réunis. Je vous épargnerai les horreurs commises par vos semblables au Québec, dont vous connaissez déjà la nature et que vous qualifiez, je vous cite, « d’attitudes étroites de certains catholiques avant 1960 ». De toute évidence, Votre Éloquence, vous maîtrisez fort bien la rhétorique de l’euphémisme. C’est un affront à l’Histoire que de banaliser ainsi votre « passif »; c’est un affront aux Québécois que de prétendre que nous pouvons l’oublier et le pardonner. Le peuple québécois, Votre Persistance, a déjà tiré le trait de vos fautes et en a fait la somme. Le résultat de ce brillant calcul commandait la décision éclairée d'expulser définitivement l’Église catholique de l’État québécois.

Je vous fais remarquer, Votre Fantaisie, que vos arguments pour justifier votre retour sur la scène publique (et plus particulièrement académique) ont un caractère vaporeux qui ferait rougir d’envie le plus sot des députés conservateurs. « Nous avons contribué activement à l’histoire et à la culture », « nos valeurs ont façonné l’identité québécoise », dites-vous innocemment dans votre dernier sursaut d’agonie. Je vous donne raison sur ce point : vous avez effectivement contribué activement à nuire au développement social, moral et culturel de notre pays, par la manipulation, le chantage et la censure, domaines de prédilection d’une Église mégalomane et corrompue.

Tout cela pour dire, Votre Impertinence, que votre Lettre d’excuses n’est en fait motivée que par une seule crainte fondamentalement égoïste : celle de votre propre disparition. Cette sournoise machination n’abuse personne. Vous associez à tort l'actuel débat sur les accomodements religieux à un égarement spirituel du Québec causé par son retrait de l'emprise ecclésiastique. À trop renifler les encensoirs, on se met à avoir de troublantes visions. De grâce, reprenez vos esprits, et cessez de jouer les Pythies de la fin du monde! Vous n’inspirez pas de pitié, Votre Arrogance, car vous n’en méritez aucune. Vos jeux de rhéteur sur la préposition («transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement par l’école»), n’arrivent pas à dissimuler l’hypocrisie de votre démarche. De tous temps, les religieux ont versé dans l’intrigue, le chantage et la sournoiserie pour parvenir à leurs fins : votre lettre démontre que rien de cela n’a changé. La seule chose qui pourrait me convaincre de votre bonne foi, Votre Suffisance, serait l’annonce, par le Vatican, de la dissolution complète de l’Église catholique pour cause de faillite morale. Or, nous savons tous fort bien que cela n’arrivera jamais, au même titre d’ailleurs que notre pardon envers vous.

Enfin, on saura peut-être pardonner, non pas le passé de votre Église, Votre Tartuffance, mais votre lettre insolente et votre égarement car, « pour être dévot, vous n’en êtes pas moins homme ».

J’ai l’honneur d’être, etc.

Baron de Moulintombant

dimanche 18 novembre 2007

Addendum à la Lettre aux candidats à la mairie de Québec

Chers lecteurs,

On m'a fait remarquer -à fort bon escient- que, dans ma précédente lettre, je semble suggérer de ne point voter et que je ne propose aucune solution alternative pour les bons citoyens désireux que combattre le plébéisme politique.

Qu'à cela ne tienne, voici ma réponse. Une image vaut mille mots.

Extravagantes salutations

Baron de Moulintombant


mercredi 14 novembre 2007

Lettre aux multiples candidates et candidats à la Mairie de Québec sur l'ascension inquiétante du plébéisme au Québec

Chères coiffeuses, propriétaires de casse-croûtes et autres candidats à la Mairie de Québec,

C'est avec un sourire de désespoir que je regardais, il y a peu, un modeste reportage sur la pluralité des aspirants au trône de Madame la Mairesse Boucher, partie malheureusement avant d'avoir fait trop de mal, en un majestueux coup de théâtre dont elle seule connaissait le secret, laissant la population de Québec dans un égarement politique pitoyable.

Si je me permets de vous écrire à ce sujet aujourd'hui, c'est que la vie municipale de Québec me touche, étant originaire de la Vieille Capitale (vous l'aurez deviné par l'arrogance pompeuse du personnage). Exilé depuis de nombreuses années, je n'en suis pas moins indifférent face aux déboires politiques des habitants de ce qu'on nommait autrefois l'Abitation. Ce n'est pas un hasard si je fais innocemment allusion à la réputation snobinarde des gens de Québec (réputation que je contribue d'ailleurs à entretenir), puisque c'est justement de snobisme dont je veux vous entretenir ou plutôt de la disparition malheureuse de ce phénomène dans les moeurs québécoises. Pour moi, l'affaire est d'autant plus d'actualité que j'enseigne en ce moment les péripéties du pauvre Jourdain, le bourgeois gentilhomme, snob fieffé trompé par sa propre naïveté et accablé de ridicule sous la plume de Monsieur Molière.

Mélangeant toutes ces idées dans ma tête, j'aboutis à la réflexion suivante : peut-on condamner le snob pour sa démarche en elle-même, c'est-à-dire sa volonté de s'élever socialement et intellectuellement, de se distinguer de la plèbe ignorante et méprisante ? Quel mal y a-t-il à vouloir se cultiver, se raffiner, rechercher l'élégance en toute chose ? Le problème du snob, c'est de n'y arriver qu'à moitié; c'est d'ailleurs tout le drame de Jourdain : l'étendue limitée (pour ne pas dire farfelue) de ses nouvelles connaissances ne suffit en rien à justifier son dédain de la bourgeoisie médiocre à laquelle il appartient encore, malgré lui. Or, parce que le snob, dans son orgueil et son air « supérieur », est souvent condescendant à l'égard de tout ce qu'il considère comme populaire, le peuple lui oppose un mépris qui ne devrait être dirigé que contre l'attitude mais qui, dans la foulée, englobe également la démarche.

Vous me suivez, jusque là ? Oui, je sais, Drôles de vidéos débute sous peu à TQS, ne craignez rien, je ne vous retiendrai plus très longtemps.

J'en arrive au coeur de ma réflexion : la sphère politique a toujours été une affaire de snobs. Les politiciens ont longtemps conservé leur allure de satrapes prétentieux, membres privilégiés de l'élite sociale et intellectuelle. Si leur attitude hautaine pouvait en froisser certains, on ne pouvait toutefois douter de leur aptitude à réfléchir (qu'on soit d'accord ou non avec les idées proposées) et à gouverner un État. Or, la montée de l'ADQ et la course à la Mairie de Québec, entre autres choses, témoignent d'un revirement total dans la perception du politicien au Québec. La figure du snob est définitivement destinée à la guillotine : c'est le problème des Boislcair et Dion, dont la seule faute a été d'assumer leur identité de snobs. Verdict : « ils ne passent pas », diront en choeur les plombiers de ce monde et autres analystes politiques de TVA.

Tout comme le snob, autrefois, recherchait l'élégance, l'éloquence et la culture pour être valorisé dans la société, les politiciens d'aujourd'hui font tout à fait le contraire : ce sont des intellectuels qui doivent, pour survivre, prétendre qu'ils ne le sont pas. C'est le phénomène du plébéisme (vous pardonnerez l'invention de ce mot, que je trouvais à propos par opposition au snobisme). Une élite intellectuelle qui s'abaisse socialement et intellectuellement pour être valorisée et obtenir le pouvoir.

Le problème est que, dans toute cette mascarade, il devient impossible de distinguer qui est véritablement imbécile de qui ne fait que semblant. Au moins, avec le snob, il était plus aisé de distinguer l'usurpateur : Monsieur Jourdain n'arrive à tromper personne, même pas sa paysanne de servante. Le problème du plébéisme est autrement plus inquiétant. « Moé j'vous garantis qu'on va met' de l'ord' à ville, pis on va rentrer de l'argent, pis on va couper youski faut couper » s'écrie le brillant candidat Christian Légaré, propriétaire du casse-croûte « Le coin de la Patate ». Mais entre cela et les discours sur les « vraies affaires » de Mario Dumont, quelle différence ? Même Madame Marois n'y échappe pas : sa réputation est compromise pour la simple raison qu'elle est riche, et son avenir politique ne dépend que de son aptitude à faire oublier ce « défaut » inacceptable en s'inspirant du Châtelaine pour construire son programme. Pour réussir en politique québécoise aujourd'hui, il faut fournir ses lettres de plèbe, être (ou paraître) pauvre, ignorant et dépourvu d'esprit. Comment discerner l'idiot qui mènera la ville à la ruine de l'idiot qui n'est idiot que par nécessité politique ?

Mieux vaut ne prendre aucun risque, et ne voter ni pour l'un, ni pour l'autre. Sur ce, bonne course à la mairie, et que le plus imbécile gagne !

Extravagantes salutations,

Baron de Moulintombant

vendredi 9 novembre 2007

Lettre à Mario Dumont ou Pourquoi la triste histoire du chef de l'ADQ m'inspire une tragédie lyrique en cinq actes

Cher Monsieur Dumont,

Si j'ose vous écrire aujourd'hui, c'est qu'il me vient de plaisantes idées à votre sujet.

Connaissez-vous, Monsieur, le mythe de Phaëton ? Permettez-moi d'en douter : je sais que votre culture se base largement sur vos lectures du Journal de Québec, et on y parle rarement de ce genre de choses. Ainsi, pour parfaire votre modeste culture, accordez-moi ces quelques lignes qui résumeront cette histoire tout à fait merveilleuse.

Phaëton est fils d'une mortelle et d'Apollon, dieu-soleil qui éclaire le Monde. Ambitieux, il aspire à la gloire et au renom, et la modestie ne fait pas partie de ses qualités. Aussi est-il fort contrarié quand de mauvaises langues expriment leur scepticisme quant à ses origines divines. Pour leur faire voir leur impertinence, Phaëton frappe à la porte des cieux et demande à Apollon de prouver le lien qui les unit. Apollon, touché, jure de lui accorder ce qu'il désire. Phaëton, soucieux d'épater la galerie, lui demande alors le droit de conduire le char du Soleil à travers les cieux. Apollon est horrifié, car il sait que seul un dieu peut accomplir cet exploit mais, lié par sa promesse, il consent à céder les rênes du Soleil à son fils. Ce dernier, gonflé d'orgueil, commence maladroitement sa course dans le Ciel. Le Soleil, hors de contrôle, brûle tous les pays qu'il survole. Les mortels souffrant de ce désastre font monter leurs cris jusqu'aux cieux, où ils parviennent aux oreilles de Zeus le Magnanime qui, pour mettre fin à cet enfer, fait tomber la foudre sur le char de Phaëton. Le pauvre ambitieux tombe alors du ciel et périt dans la mer.

La légende varie légèrement en fonction des époques et des auteurs qui la reprennent. Lully et Quinault s'en inspirent pour créer, au XVIIe siècle, une admirable tragédie lyrique (un opéra, si vous préférez, peut-être ce mot vous dira-t-il vaguement quelque chose).

J'en arrive, Monsieur, au but de cette lettre : comme ce mythe me venait par hasard à l'esprit, j'ai songé que vous étiez, à votre façon, une sorte de Phaëton moderne. Vous proclamant fils du Peuple (dont les Lumières tardent parfois à briller, j'en conviens), vous aspirez au Pouvoir et à la Gloire. Toutefois, de mauvaises langues doutent de votre authenticité et, pour les faire taire, vous souhaitez faire vos preuves et épater la galerie. Or, il s'avère que vos gestes sont maladroits et prouvent plutôt que vous n'êtes pas à la hauteur de ce que vous prétendez être. Pour mettre fin au supplice que vous nous faites endurer depuis trop longtemps déjà, les dieux de l'Intelligence que vous offensez devront irrémédiablement provoquer votre perte.

Avant de tomber de votre char, Monsieur, gardez en mémoire ces dernières paroles de Zeus à Phaëton (dans la version de Quinault):

«Au bien de l'Univers ta perte est nécessaire;
Sers d'exemple aux audacieux :
Tombe avec ton orgueil, trébuche, téméraire,
Laisse en paix la Terre, et les Cieux »

Je vous quitte sur ces sages paroles, Monsieur, et vous assure que, après votre chute, je composerai un délicieux opéra à votre sujet, afin que l'on se souvienne pour toujours de votre triste médiocrité.

Extravagantes salutations,

Baron de Moulintombant


*Mise à jour - 12 novembre*

Suite au commentaire de Leif Thande (merci à vos yeux perçants) j'ai corrigé la coquille qui s'était sournoisement glissée dans mon texte.

mardi 6 novembre 2007

Lettre à Madame Pauline Marois ou Comment tomber dans la disgrâce auprès des gens intelligents

Madame,

Sans que vous sollicitiez mon humble avis, permettez-moi de vous servir quelques commentaires éclairés sur votre dernière lubie, celle de vouloir créer une toute nouvelle «citoyenneté québécoise».

L'avis semble unanime, dans les milieux que je fréquente, que ce projet n'est qu'un geste désespéré et fort maladroit pour récupérer quelques votes « volés » par la popularité de l'intolérance adéquiste. Cela me semble tout à fait juste et évident, aussi ne prendrai-je pas de mon précieux temps pour en discuter davantage. Ce dont je veux vous entretenir, Madame, c'est du projet en lui-même et pour lui-même, de son sens à mes yeux, de son incongruité, de sa profonde et entière idiotie.

Il vaudrait mieux, à mon avis, ne point gaspiller votre temps sur de pareilles futilités, et proposer plutôt un moyen d'améliorer l'enseignement du français (j'entends d'ailleurs parler, au moment où je rédige cette lettre, de la médiocre qualité de la langue chez les enseignants du primaire) et de la culture littéraire française que votre chère Réforme, Madame, a plongé dans l'abysse. Enfin, je m'égare, et vous promets de revenir plus tard sur ce sujet dans une autre lettre, si d'aventures vous venez à reprendre les rênes de l'État. Pour l'instant, comme disait Rabelais, revenons à nos moutons, qui ont grand besoin d'être tondus.

Madame, vouloir légiférer pour interdire à un individu ne maîtrisant pas la langue d'un pays de se présenter comme candidat lors d'une élection me semble l'idée la plus sombrement farfelue qu'il m'ait été donné d'entendre ces derniers mois. Si ce projet voyait le jour, il s'agirait sans nul doute de la consécration de l'incapacité du peuple québécois à se gouverner lui-même et, par extension, à l'impossibilité de la souveraineté du Québec. Comment peut-il en être autrement ? Comment un peuple pourrait-il se prétendre mature, apte et souverain, s'il a besoin qu'on lui dise pour qui il doit ou ne doit pas voter ? À ce compte, Madame, pourquoi ne pas imprimer des bulletins de vote déjà remplis ?

Être d'accord avec ce projet, comme citoyen, c'est proclamer l'inutilité de la démocratie prônant la liberté de voter pour l'un ou pour l'autre, selon nos principes, nos valeurs, notre bon jugement. Proposer cette loi en tant que parlementaire, Madame, annonce clairement au peuple que vous ne croyez nullement en son discernement, pensant qu'il pourrait commettre, dans son égarement, l'erreur ultime : élire un étranger, un paria même, à la tête de l'État. Si cela survenait, Madame, ne croyez-vous pas que le Québec pourrait avoir de bonnes raisons de voter ainsi ? Méprisez-vous à ce point le peuple québécois que vous jugez nécessaire de lui interdire de voter pour un candidat ne respectant pas vos critères « d'admissibilité » ? Plus encore, en admettant que le Québec puisse élire une telle personne et que ce fut une erreur, ne croyez-vous pas que ce serait la meilleure façon de ne la point reproduire, tout comme l'enfant qui, jouant trop près du four malgré les avertissements de ses parents, finit irrémédiablement par s'y brûler, mais ne s'y fera plus jamais reprendre ? La démocratie a ceci de merveilleux qu'elle peut punir le peuple pour son égarement sans pour autant le priver de la possibilité de corriger sa situation. Nous assistons à ce phénomène au niveau fédéral : il faudra un gouvernement conservateur majoritaire pour que le peuple canadien se rende compte -douloureusement, sans doute- qu'il peut être périlleux d'apposer sa croix sur un visage et non sur un programme.

Ne croyez pas, Madame, que vous êtes la seule à contribuer à cette vague infantilisante pour le Québec. Ce n'est guère une mode, en Amérique du Nord, dans nos sociétés surprotégées où la faute est toujours celle de quelqu'un d'autre. Nous vivons malheureusement dans une société tout à fait incapable d'assumer la responsabilité de ses actes. Cela est vrai autant pour l'individu québécois que pour l'entité québécoise. Que l'on se casse le cou en escaladant une montagne, ce sera invariablement la faute de l'État ayant omis d'interdire l'escalade. Que l'on se casse le cou en portant au pouvoir un(e) imbécile, ce sera invariablement la faute de l'État ayant omis de nous interdire de voter.

Sur ce, Madame, permettez-moi de prendre congé en vous assurant ceci : je méprise profondément votre démarche et la crois digne de l'esprit le plus sot. Par conséquent, je ne pourrai me résoudre à voter pour quelqu'un qui prétend vouloir me dicter quel choix est bon et quel choix est mauvais. Ce serait, Madame, le commencement de la fin de la démocratie au Québec.

Extravagantes salutations,

Votre humble détracteur, Baron de Moulintombant