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dimanche 16 décembre 2007

Lettre à Monsieur Pierre Foglia sur la valse du discours écologique

Monsieur,

Vous vous amusez dans votre chronique récente « Trois minutes d’écologie » à faire un pied-de-nez aux discours écologiques actuels en affirmant –ô scandale- vous en balancer. Pendant qu’un véritable tintamarre médiatique se produit autour de Bali ces jours-ci, et alors que le Canada est vivement montré du doigt comme l’un des trois ogres de la scène internationale s’opposant à faire référence à des cibles contraignantes pour l’émission de gaz à effet de serre, je me permettrai moi aussi un soupir d’exaspération.

Je vous l’accorde : le discours écologique actuel perd le peu de rigueur qu’il avait à une vitesse folle. Alors que les gouvernements centrent frénétiquement leurs efforts sur la lutte contre les changements climatiques, des dizaines d’autres questions fondamentales restent sous silence, ou sont à peine esquissées au détour d’une ou deux affirmations péremptoires. Pourquoi n’est-on plus préoccupé par l’usage des pesticides en agriculture? Par la saturation des sites d’enfouissements? Je me souviens des pluies acides dont on parlait tant dans les années 1990, et à cause desquelles les enfants de mon âge ont dû renoncer, l’hiver, à lécher les glaçons qui pendaient aux toits des maisons. Les spécialistes s’en inquiètent-ils encore? Le sujet est-il simplement passé de mode?

Bien sûr, la question environnementale est complexe, et ne peut être saisie dans son ensemble dans un seul article de journal, ni dans une seule conférence onusienne. Il faut forcément choisir un angle d’approche, un problème concret qui mobilisera le monde. Ainsi va le bal des médias, où des reporters-danseurs frivoles choisissent souvent pour des raisons obscures la question qui fera tourner toutes les têtes pour un temps. Mais vous vous y connaissez mieux que moi, sans doute.

Par un contrecoup bien fortuit, donc, l’opinion publique se plaît présentement à dénoncer l’inaction dans le dossier des changements climatiques et à démoniser Harper, Fukuda et Bush (contre qui il est devenu si agréable d’opposer un point de vue noble et juste). Sur le plan national au Canada, certains groupes d’opposition récupèrent même avec délices le discours écologique à des fins purement rhétoriques, en attaquant par exemple le parti conservateur pour sa cupidité et son manque d’ouverture (sur ce point, je fus d’ailleurs bien surprise de voir Monsieur Dion se montrer aussi mesuré avec son Premier ministre à Bali). Le joufflu John Baird est devenu une cible de choix pour tous les esprits verts (pratiquants ou non) du pays, y compris le Québec, qui saute évidemment sur une autre occasion d’affirmer sa différence et sa haine des gros pétroliers albertains - différence toute idéologique, semble-t-il, puisque des sondages récents ont indiqué que la consommation énergétique des Québécois est supérieure aux autres provinces. Personne ne semble vouloir entendre que les objectifs trop contraignants en matière d’émission de gaz à effet de serre pourraient perturber la compétitivité économique d’un pays (et, par extension, sa capacité à résister à l’hégémonie culturelle et politique des plus forts) et que, dans le contexte de la mondialisation, aucune solution n’est simple. N’est-il pas utopique, vu sa situation géographique et commerciale, de croire que le Canada ne pourrait que tirer des bénéfices d’un virage dramatique de son économie vers une priorisation de l’environnement ?

Vivement un discours social qui reconnaîtrait ce que vous appelez la vraie question : la cause écologique est-elle viable dans le capitalisme? N’oublions pas que le capitalisme à l’américaine d’après 1991 est d’autant plus débridé que la chute de l’URSS avait été le symbole de la disparition de son dernier ennemi potentiel. Durant les décennies d’après guerre, plusieurs analystes avaient cru que ce consortium pourrait opposer à l’Occident le modèle communiste dans la course à la croissance économique. Sur l’échiquier mondial actuel, il se trouve bien sûr quelques mouvements socialistes et communistes satellites (cristallisés, en Amérique latine par exemple, dans ces images télévisées où Hugo Chavez rend visite à Fidel Castro dans sa chambre d’hôpital), mais je vois mal comment ces mouvements pourraient un jour freiner le capitalisme. Même la Chine se voit maintenant décrite par plusieurs comme un « capitalisme communiste ».

Qu’on m’entende bien : je défendrai toujours la protection de l’environnement (et vilipenderai toujours les conservateurs canadiens pour d’autres raisons), mais j’en appelle à l’humilité chez les participants au discours écologique. Avouons tous que la véritable cause du problème nous dépasse, et qu’une solution globale efficace à court et moyen terme impliquerait des changements profonds aux fondements mêmes de notre système économique. Des changements qui ne sont certainement pas tous désirables pour des individus nés dans le monde de la consommation.

Par contre, en attendant une solution plus globale, monsieur Foglia, je m’oppose fermement à votre indifférence quant aux gestes que les individus peuvent poser ici et maintenant pour la défense de l’environnement, souvent appelés les « trois R » : recycler, réduire, réutiliser. Nous vivons tous sur cette planète et personne, même les intellos baby-boomers tels que vous qui n’en verront pas les résultats de leur vivant, personne n’a le droit de se laver les mains de cette question. Tant pis s’il faut que les médias passent par la culpabilisation des individus, nos lois par des interdictions ou nos programmes scolaires par la sensibilisation de leurs enfants pour les amener à ne pas faire réchauffer leur auto pendant une demi-heure et à fermer le robinet pendant qu’ils brossent leurs dents souillées de nourriture génétiquement modifiée.

Allez, un peu d’effort, un peu de vision d’avenir.

Vertement vôtre,

Marquise de Longdoute

mercredi 21 novembre 2007

Réponse à la Lettre d’excuses de Monseigneur le Cardinal de Québec par rapport aux atrocités commises par l’Église catholique dans l’Histoire

Votre Seigneurie,

Je me suis réveillé ce matin en apprenant la nouvelle de votre confession publique et, après m’être remis de ma stupeur, j’ai couru lire ladite Lettre à laquelle je prends grand soin de répondre, en observant le plus grand respect pour la Raison et non pour la Passion qui m’inspirerait une lettre si incendiaire, Votre Binerie, qu'elle vous ferait envier les douceurs chaleureuses de l'Enfer. Peut-être serait-ce trop méchant, aussi tenterai-je de contenir ces élans guidés par la seule Foi que je possède, la mauvaise. Détrompez-vous toutefois, cette Lettre n'est pas pour autant un panégyrique en votre honneur, loin de là.

«Méa coule pas», disait Ducharme, c’est écrit dans l’Évangile. Votre action témoigne de vos lectures de chevet. Vous faites preuve d’une grande dévotion, Votre Croustillance, en effectuant ces aveux publics qui n’auront pas lieu de plaire à certains de vos supérieurs, si ce n’est à votre Grand Patron (je vous laisse deviner lequel). De modestes excuses, en somme, pour un «hiver de force» dans lequel vous avez maintenu notre patrie pendant si longtemps, et que vous situez –à tort- avant 1960, dans le Québec arriéré, rural et duplessiste, comme si, à la mort de Duplessis, l’Église était soudainement devenue pure et exempte de tout blâme. Laissons-là Duplessis, qu’on a si bien vilipendé ces quarante dernières années qu’il doit, à l’endroit où il est, être désormais fort bien rôti.

Vous dites craindre, Votre Insolence, pour l’avenir du Québec, qui vous paraît compromis, et pour la jeunesse québécoise qui manque cruellement de modèles. Si la diminution des naissances et quelque autre raison nébuleuse vous semble annoncer l’Apocalypse, ce n’est purement qu’une question de perception. Apocalypse de la «chousse» québécoise, peut-être, mais cette perception ne témoigne que de la petitesse de votre regard fixé sur le sol où il vous faut creuser pour exhiber cette illustre souche, vestige poussiéreux qui, lui seul, justifie encore votre existence. Quant à moi, je préfère regarder le produit car, pour citer un homme que vous aimez beaucoup, peut-être trop, «on reconnaît l’arbre à ses fruits», et non point à ses racines, comme vous aimeriez si bien nous le faire croire. Quels modèles avez-vous donc à proposer à notre jeunesse? Vous êtes, Votre Pitance, bien avare de détails à ce sujet. Saint Pierre, le traître repentant ? Zaché grimpant dans l’arbre, que vous nous faisiez encore dessiner à l’école, il n’y a pas si longtemps ? Ou encore un de vos « héros », comme ce cher Dollard des Ormeaux, fantasme catholique, martyre illusoire inventé dans l’unique but de mentir honteusement au peuple, de dissimuler la froide vérité, celle qui démontre qu’en réalité, vous n’avez, Votre Insuffisance, aucun modèle crédible à nous proposer ?

Ne croyez pas, Votre Insouciance, qu’un petit « excusez-la » prononcé du bout des lèvres, semblable à ceux que l’on prononçait, sans trop y croire, à la fin des traditionnelles chansons grivoises, suffira à effacer l’ineffaçable, à pardonner l’impardonnable. Comme vous le dites si bien, « on accorde beaucoup plus d’importance au passif de l’Église » qu’à son actif et ce, à fort bon escient. Pour demeurer dans l’allégorie financière, Votre Bombance, votre compte est en souffrance depuis déjà bien longtemps. Je ne sais si, par malheur, vos maîtres avaient pris soin de censurer attentivement tous vos manuels d’histoire, chose qu’ils savaient faire avec une efficacité épatante et qui expliquerait sans doute votre décision d’entrer dans les rangs de ce gang criminalisé que vous appelez l’Église. Devrait-on libérer tous les criminels qui s’excusent publiquement ? Si vous vous choquez probablement, Votre Bigotance, de la cruauté des mots que j’emploie pour qualifier votre chère institution, ils n’en sont pas moins bien pesés. Que vous ayez souffert sous Néron n’a jamais justifié que vous devinssiez des Nérons à votre tour. Quand les croisés, bénis par Urbain II, sont entrés dans Jérusalem et y ont massacré toute la ville au nom de Dieu, recevant grâce à ce haut fait, des mains papales frémissantes d'excitation, l’indulgence plénière, n’était-ce pas un crime digne d’une éternité de purgatoire ? Vous, qui parlez si bien de la « liberté de religion », qu’avez-vous à dire pour justifier les atrocités commises par l’Église catholique de la Renaissance envers ses dissidents Protestants ? Que dire du Massacre de la Saint-Barthélémy ? Que dire du Tribunal de l’Inquisition, autre splendide invention papale ? Je pourrais vous énumérer nombre de méfaits de l'Église depuis 1960, les effets néfastes de ses positions radicales sur le développement des sociétés du tiers monde, le recul des droits humains les plus élémentaires prôné par la droite religieuse catholique américaine au nom Dieu, mais Dieu en tant qu'outil de contrôle et d'asservissement des populations. Cela, Votre Concupiscence, vous ne voulez pas l'entendre, vous ne l'avez jamais voulu. Ce sont, Votre Cécité, les pires crimes qui ont été commis au nom de Dieu et votre Église a plus de sang sur les mains que tous les chefs politiques de l’Histoire réunis. Je vous épargnerai les horreurs commises par vos semblables au Québec, dont vous connaissez déjà la nature et que vous qualifiez, je vous cite, « d’attitudes étroites de certains catholiques avant 1960 ». De toute évidence, Votre Éloquence, vous maîtrisez fort bien la rhétorique de l’euphémisme. C’est un affront à l’Histoire que de banaliser ainsi votre « passif »; c’est un affront aux Québécois que de prétendre que nous pouvons l’oublier et le pardonner. Le peuple québécois, Votre Persistance, a déjà tiré le trait de vos fautes et en a fait la somme. Le résultat de ce brillant calcul commandait la décision éclairée d'expulser définitivement l’Église catholique de l’État québécois.

Je vous fais remarquer, Votre Fantaisie, que vos arguments pour justifier votre retour sur la scène publique (et plus particulièrement académique) ont un caractère vaporeux qui ferait rougir d’envie le plus sot des députés conservateurs. « Nous avons contribué activement à l’histoire et à la culture », « nos valeurs ont façonné l’identité québécoise », dites-vous innocemment dans votre dernier sursaut d’agonie. Je vous donne raison sur ce point : vous avez effectivement contribué activement à nuire au développement social, moral et culturel de notre pays, par la manipulation, le chantage et la censure, domaines de prédilection d’une Église mégalomane et corrompue.

Tout cela pour dire, Votre Impertinence, que votre Lettre d’excuses n’est en fait motivée que par une seule crainte fondamentalement égoïste : celle de votre propre disparition. Cette sournoise machination n’abuse personne. Vous associez à tort l'actuel débat sur les accomodements religieux à un égarement spirituel du Québec causé par son retrait de l'emprise ecclésiastique. À trop renifler les encensoirs, on se met à avoir de troublantes visions. De grâce, reprenez vos esprits, et cessez de jouer les Pythies de la fin du monde! Vous n’inspirez pas de pitié, Votre Arrogance, car vous n’en méritez aucune. Vos jeux de rhéteur sur la préposition («transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement par l’école»), n’arrivent pas à dissimuler l’hypocrisie de votre démarche. De tous temps, les religieux ont versé dans l’intrigue, le chantage et la sournoiserie pour parvenir à leurs fins : votre lettre démontre que rien de cela n’a changé. La seule chose qui pourrait me convaincre de votre bonne foi, Votre Suffisance, serait l’annonce, par le Vatican, de la dissolution complète de l’Église catholique pour cause de faillite morale. Or, nous savons tous fort bien que cela n’arrivera jamais, au même titre d’ailleurs que notre pardon envers vous.

Enfin, on saura peut-être pardonner, non pas le passé de votre Église, Votre Tartuffance, mais votre lettre insolente et votre égarement car, « pour être dévot, vous n’en êtes pas moins homme ».

J’ai l’honneur d’être, etc.

Baron de Moulintombant